Pondy, trois semaines après le tsunami

Depuis dix jours nous travaillons d'arrache pied à la réalisation du site Pondy-Pêcheurs, car ce dernier est l'indispensable lien entre l'équipe ici et les donateurs et gens concernés.
Ne vous étonnez pas de retrouver photos et structures de page …
Son adresse
www.pondy-pecheurs.org
Place aux images d'espoir …

 


Pondy, le 19 janvier 2005

Le tsunami a frappé les côtes indiennes il y a trois semaines et ça fait une dizaine de jours que nous sommes rentrés à Pondy.

Les 15 000 morts et disparus indiens sont essentiellement des familles de pêcheurs ; l'absence totale d'un tourisme balnéaire au Tamil Nadu a fait qu'il n'y a eu aucun occidental parmi les victimes.
La vague ou plutôt les vagues, ont frappé avec une violence très différente à quelques kilomètres près ; parfois la conjonction "forte vague et village exposé" a été particulièrement destructrice (de gros villages au sud, près de Cuddalore à 18 km de Pondy et de Karikal à 90km, comptent un maximum de victimes !) mais les zones indiennes les plus touchées sont au grand large, les îles Nicobar, certains îlots n'ayant aucun survivant …

Ici à Pondy, nous avons trouvé une vie dans la rue à l'aspect presque normal, si ce n'est une certaine gravité, mais visuellement rien n'est changé ; à cela plusieurs raison :

 
la jettée, un dimanche d'avant ...

- d'abord Pondy intra-muros n'a pas été touchée (protégée par la digue, les vagues sont passées par dessus pour aller s'éteindre quelques dizaines de mètres plus loin)
- une centaine de morts et de disparus "seulement", c'est le tribut payé par la ville à la vague, essentiellement des ados qui jouaient dans l'eau au pied de la digue, des pêcheurs en mer, mais surtout des enfants et femmes du quartier des pêcheurs

 

 

Partout sur la côte, les femmes et les enfants de pêcheurs se sont faits surprendre de la même façon par la seconde vague : la première a projeté sur la plage des poissons avant de se retirer très loin … la seconde vague est venue cueillir les ramasseurs qui s'étaient précipités sur cette manne !
D'autre part plus faibles physiquement, les femmes et surtout les enfants (plus de 40% des victimes) n'ont pu résister au reflux de la vague.

L'Inde a refusé l'aide internationale sur le terrain, et cette décision a parfois choqué en France ; ce qu'il faut bien comprendre, c'est que les zones indiennes touchées (autres que les îles citées) ne constituent qu'une pellicule côtière de quelques centaines de mètre mais sur un millier de kilomètres.
Avec beaucoup de dignité (et peut-être une pointe de maladresse) l'Inde tient à rappeler qu'elle fait partie des grandes nations montantes (elle est assez largement soutenue dans sa demande d'intégrer le Conseil permanent de Sécurité des Nations Unies) et d'autre part elle a eu le courage de considérer que d'autres pays avaient un besoin vital de cette aide d'urgence lourde ; elle même a été le premier pays à envoyer des secours au Sri Lanka voisin, quelques heures seulement après la catastrophe (dès le dimanche, l'armée indienne était sur place).

 

 


ici se dressait un village ... 

C'est vrai qu'elle a su mobiliser avec beaucoup d'efficacité ses moyens d'intervention tant fédéraux (armée, aviation …) que régionaux (Etat du Tamil Nadu, Etat de Pondichéry) voire locaux avec les municipalités qui sont aussi intervenues en fournissant du matériel de travaux public et des tracteurs.

 

 


nettoyage au bulldozer

Il y a eu également une superbe mobilisation des gens dans les premiers moments de la catastrophe, avant que les aides lourdes aient eu le temps de se mettre en place.
  Organisation de petits camps sur place pour les sans-abris (afin de ne pas laisser se déclencher une migration dramatique* vers les grandes cités), surtout incinération accélérée** des corps recueillis (parfois au détriment de l'identification), aide alimentaire de première urgence, suivi sanitaire des camps, dégagement et nettoyage des zones sinistrées, tout cela mené dans le calme et la dignité.
Si l'essentiel est assuré pour les survivants, rien n'est simple pour l'avenir à moyen terme :
même à travers le "fatalisme indien", on sent dès qu'on approche des populations touchées que le traumatisme est profond.
La situation est d'autant plus dure que ces pêcheurs et leurs familles n'ont pas d'autre choix que de revenir à la mer. Les mieux installés sur le plan social font partie de la caste des pêcheurs***, une sous-caste des moins estimées : à tel point qu'il s'agit d'une des rares professions que les hors-castes pratiquent (avec sûrement plein de restrictions, de différences, de limitations …)
Ce qui est clair, c'est que pour ces populations, le choix ne se pose qu'entre reprendre la mer ou aller vivre de mendicité dans les slums (bidons-villes) des grandes agglomérations.
 

* migration dramatique : j'espère qu'après lecture du passage sur les castes vous comprenez pourquoi il était important que ces populations restent sédentarisées sur place : dans la rigidité du système social castique indien, à travers l'exode, seul s'offrait à eux le débouché de la mendicité et la vie dans les bidons-villes …

** incinération accélérée : les autorités ont fait le choix de la sécurité sanitaire … ce qui ne va pas parfois sans certains grincements de dents

*** caste des pêcheurs : de grâce ne nous demandez pas d'explication sur cette réalité socio-religieuse (4 castes et 4000 sous-castes, système aboli par Nehru en 55 dans la Constitution … mais des places sont réservées aux hors-castes dans l'administration, les Universités et aux Parlements) …!


La pêche est interdite ce mois-ci et un salaire sera versé aux pêcheurs immobilisés ; mais après ? La phase d'intervention d'urgence se termine, nous entrons dans des perspectives à plus long terme : que faire pour aider ces populations sinistrées à retrouver une vie à peu près normale ?
Parmi les multiples actions engagées à partir de Pondy tant par les ONG locales que par les particuliers, beaucoup de complémentarité.

Notre choix (et par là-même l'essentiel des fonds que vous nous avez confiés) s'est porté sur l'action Pondy-Pêcheurs.

 
Un groupe de personnes s'est constitué autour d'un couple de français installés à Pondy depuis de nombreuses années et qui ont monté ici une unité de fabrication de bateaux de plaisance. Le but est simple : redonner au plus vite à un maximum de pêcheurs un petit bateau afin qu'ils puissent reprendre leurs activités professionnelles et ainsi nourrir leurs familles.
L'objectif technique c'est de réaliser une barque légère et résistante, pour une équipe de trois pêcheurs, et dont le prix de revient se situe aux alentours de 200€ (une grande barque de pêche traditionnelle pour un équipage de 4 à 5 personnes coûte 2500 à 3000 € …).
 
Aidés techniquement par des amis architecte naval et expert maritime, Lionel a travaillé sur un modèle existant pour l'adapter aux besoins locaux. Assisté de pêcheurs, il s'est efforcé d'intégrer les spécificités de fonctionnement et de pratiques locales.


c'est parti ...
 
attente ...

Dimanche 9 janvier,
soit deux semaines
jour pour jour
après la catastrophe,
le prototype a été essayé par les pêcheurs ;

quelques ajustements sont encore nécessaires, mais c'est presque tout bon !!!

Puisque simples à réaliser, les pêcheurs vont être sollicités dans la construction de leurs barques.

Bien entendu, ce sont les dons qui vont définir le nombre de bateaux qui pourront être distribués.

 


et pas pour faire semblant !

retour sourire

première analyse à chaud
En liaison avec l'intérêt soulevé par cette action, un projet annexe est en train de voir le jour : créer un centre de formation à la fabrication de ces bateaux, afin de pouvoir disséminer des unités de fabrication le long de la côte atteinte.


Le projet nous a touchés par son évidente nécessité.
Il est mené avec beaucoup d'intelligence et de tact : nous avons déjà évoqué l'assistance des pêcheurs dans la mise au point du prototype et dans les réalisations futures, mais très important aussi, a été le choix d'engager deux jeunes locaux eux-même fils de pêcheurs, pour faire un relevé exact des besoins dans les villages les plus isolés.
     Conséquence directe de cette recherche, des populations encore en manque de l'élémentaire ont parfois été détectées dans des villages oubliés des grands axes de l'assistance.
Avec la simple évidence de la nécessité, s'est mise en place une aide d'urgence pour ces personnes.
     
 Ainsi Pondy-Pêcheurs procède à des distributions de matériel de première nécessité : couverture coton, petit réchaud, gamelles, complément alimentaire. Rien à voir avec ces distributions au tombé des camions, ici chaque famille a été recensée par les jeunes évaluateurs ; munie d'un jeton d'identification, à la date et au lieu convenu, chaque famille dépêche son représentant qui reçoit son kit à l'appel de son nom : la dignité se respecte aussi dans la façon de donner …

 

 Solange a participé dès les premières distributions ; elle a été fortement touchée par la dignité et la gentillesse de ces gens, d'où la question qu'elle se pose "Qui donne réellement à qui ?".

 

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